vendredi 18 novembre 2011

Fin de résidence


"Presque fin de résidence, dite "d'écriture", à Rennes... Ecrire, se baguenauder, bayer aux corneilles, réparer et utiliser une bicyclette, déjeuner dans une crêperie-collège, méditer sur quelques tombes connues ou inconnues, lire dans des cafés PMU, faire son marché en sortant de l'école Pablo-Picasso, s'arrêter à chaque plaque de rue, enseigner des gros mots à nos (ou vos !) chères têtes blondes, goûter (aujourd'hui !) le beaujolais nouveau, militer en faveur du Breizh Cola, suivre vingt kilomètres de rocade vers Saint-Malo quand on doit aller à Nantes, déguster des pâtes de coing, rencontrer un bataillon de moustachus, rêver de musique verte, se réjouir de la venue complice de Francis Jauvain et de Frédéric Forte sur une péniche, acheter des coeurs de palmiers à Bélasie, c'est ça, la poésie ?

Que l'été indien vous tienne en joie "

Bernard

Un grand merci à Bernard Bretonnière
de la part de la


 Maison de la Poésie de Rennes

jeudi 17 novembre 2011

11ContributionSS11

Un honoré par Rennes 
Nous avons parlé, ci-avant, soit donc ci-dessous, blog oblige, de Thiers (Adolphe) et d’Alexis Carrel, chacun honoré par la bonne ville de Rennes (et de gauche) d’une voie publique. Mais comment oublier Paul Bert (dont la rue est parallèle à l’avenue Aristide-Briand, pas le même genre de bonhomme!). De ce physiologiste et ministre et pédagogue, qu’il ne semble guère utile de présenter plus avant (dictionnaires, manuels – les siens propres, scolaires – et encyclopédies vous en diront plus que le résident ne saurait le faire ici), ces deux citations qui semblent plutôt révélatrices du joli personnage:
« Les Nègres ont la peau noire, les cheveux frisés comme de la laine, les mâchoires en avant, le nez épaté ; ils sont bien moins intelligents que les Chinois, et surtout que les Blancs [...]. Il faut bien voir que les Blancs étant plus intelligents, plus travailleurs, plus courageux que les autres, ont envahi le monde entier et menacent de détruire ou de subjuguer toutes les races inférieures. Et il y a de ces hommes qui sont vraiment inférieurs. Ainsi l’Australie est peuplée par des hommes de petite taille, à peau noirâtre, à cheveux noirs et droits, à tête très petite, qui vivent en petits groupes, n’ont ni culture ni animaux domestiques (sauf une espèce de chien), et sont fort peu intelligents. »
« Les Nègres, peu intelligents, n’ont jamais bâti que des huttes parfois réunies en assez grand nombre pour faire une ville ; ils n’ont point d’industries ; la culture de la terre est chez eux au maximum de simplicité. Ce ne sont pas cependant les derniers des hommes. Il faut mettre après eux, comme intelligence, les petites races d’hommes qui habitent les régions les plus inaccessibles de l’Afrique [...]. Bien au-dessus du Nègre, nous élèverons l’homme à la peau jaunâtre [...]. Il a fondé de grands empires, créé une civilisation fort avancée [...].mais tout cela semble de nos jours tombé en décadence [...]. Mais la race intelligente entre toutes, celle qui envahit et tend à détruire ou à subjuguer les autres, c’est celle à laquelle nous appartenons, c’est la race blanche. »
Citations que nous dédierons ici à nos chers Kossi Efoui, Koffi Kwahulé, Chéri Samba, Marcel Zang, etc., à l’association Coup de Pouce (Ouagadougou), etc.


Un texte, un récit, un poème, un dialogue, une pièce de théâtre?
Qu’est-ce que la poésie? Qu’est-ce que le théâtre? Réponse de Patrick Dubost: «Le théâtre est à la poésie ce que ma mère est à ma belle-mère.» Dont acte. Et le récit, et le roman, et la nouvelle, quoi, quoi, quoi? Lisant Comédie du suicide de Jean-Claude Leroy, et, très précisément, le deuxième texte du recueil éponyme, récit épistolaire peut-on – peut-être – dire (mais, bien sûr, au diable les étiquettes), une forme d’évidence (m’)apparaît : c’est sur une scène, porté par des (deux?) comédiens, qu’on imagine ce texte donné, adressé. Mais les théâtreux, trop souvent (certes pas tous-tous, le résident pense, par exemple, et amicalement, à Claudine Merceron), restent cantonnés, figés, coincés, arrêtés sur des écritures officiellement et corporastistement labellisées théâtre (par les éditeurs et autres gens de…) quand, profonde et mienne et obsessionnelle conviction, les frontières entre les genres dits littéraires se révèlent beaucoup plus floues, ténues, cela salutairement – sinon universellement. Eh bien voilà, curieux acteurs piétineurs scéniques, amis comédiens, amis metteurs en scène, lisez donc ce texte saisissant et imaginez-le, oui, portez-le sur les planches. Il y trouvera, pensé-je, toute sa force, qui n’est pas menue… C’est aux Éditions Cénomane, c’est tout neuf. C’est pas d’l’Éric-Amélie Museau d’rentrée littéraire

Une proposition de nouveaux baptêmes
La part des poètes et autres écrivains auxquels la ville de Rennes a dédié ses places, mails, squares, impasses, boulevards et autres avenues est-elle moindre que celle des autres (françaises) communes? Pour le savoir, il faudrait mener une savante et sérieuse et statistique étude. Reste que nous osons dire ici (avec quelle irresponsable provocation!) que la rue Paul-Bert gagnerait (moralement, oui, moralement! si cela peut exister en politique, en courage politique…) à être rebaptisée au bénéfice de James Baldwin, Richard Wright, Chester Himes, Amadou Hampâté Bâ, Léopold Sédar Senghor, Aimé-Césaire, etc., etc., exemples trop limités parmi une multitude d’autres (disparus).

Une abondance nuirait-elle?
«Longtemps, longtemps, longtemps / Après que les poètes ont disparu / Leurs chansons courent encore dans les rues» (eh, c’est qu’il n’oubliait pas que l’indicatif, et non le subjonctif, doit suivre la locution après que, notre Charles Trénet!)… La Ville de Rennes est-elle bien, suffisamment, dotée en noms de poètes quant à ses voies et monuments publics? Mieux ou moins bien que Paris, Nantes, Marseille, Strasbourg, Bordeaux, Lyon, Chantemerle-sur-la-Soie ou Saint-Sauveur-du-Givre-en-Mai? Mieux, certes (eh, ça devient une obsession!), qu’Alexis Carrel, Paul Bert ou Adolphe Thiers, la ville où fut enfin entendu le capitaine Dreyfus, ville ainsi louée dès 1728 par le maire de… Nantes, Gérard Mellier, évoquant ce «pays de lettres, [tandis] qu’à Nantes […] l’on ne respire que le commerce», ne pourrait-elle honorer (dans le désordre, ici, foin des hiérarchies, chronologies, nationalités et… races) post mortem Blaise Cendrars, François Villon, William Faulkner, Jean-Luc Raharimanana, Samuel Beckett, Octavio Paz, Federico Garcia Lorca, Marie-Madeleine de La Fayette, Jacques Audiberti, Roger Vitrac, Alexandre Vialatte, Paschal Grousset, Boris Vian, Mahmoud Darwich, Henriette Robitaillie dite aussi Cécile Romancère (Rennaise), Florentine Monier dite Madeleine Desroseaux (Rennaise), Yvonne et André Meynier (Rennais), Alexandre Bertrand (Rennais), Jean Bona (Rennais), Henri Poisson (Rennais), William Shakespeare, Jacques Vaché, Edgar Allan Poe, Théophile Gautier, Vicente Huidobro, Guy de Maupassant, Viçvanâtha Karvirâja, René Daumal, Czeslaw Milosz, Oskar Wladyslaw de Lubicz Milosz, Romain Rolland, Jean Follain, Paul Celan, Charles Cros, André Laude, Guillaume du Bartas, Joris-Karl Huysmans, Antonio Machado, François de Maynard, Joseph Brodsky, Joë Bousquet, Tristan Tzara, Jean Lescure, René Crevel, Charles-Ferdinand Ramuz, Roger Judrin, Henri Pichette, Benjamin Péret, Pierre Peuchmaurd, Ghérasim Luca, Max Aub, Percy Bysshe Shelley, Pierre Albert-Birot, Roger Gilbert-Lecomte, Henri Meschonnic, Anna Akhmatova, Richard Brautigan, Yves Martin, Charles Bukowski, Jean Malrieu, Raymond Carver, André Frénaud, E.E. Cummings, Julien Gracq, Walt Whitman, Jorge Luis Borges, Georges L. Godeau, Vladimir Holan, Pierre-Jean Jouve, Jean de La Fontaine, Roger Munier, Géo Norge, Cesare Pavese, Georges Perros, Kathleen Raine, Jacques Prével, Jacques Prévert, Umberto Saba, William Carlos Williams, Sapho, Eugène Guillevic, Jean Rousselot, René Char, Anjela Duval, Camillo Sbarbaro, Jules Supervielle, Henri Michaux, Adèle Robinson, Marc Monchoix, André Beucler, Paul Éluard, Saint-John Perse, Wallace Stevens, Jules Mougins, Jean Tardieu, Guillaume Apollinaire, Jean Antoine De Baïf, André Breton, Charles d’Orléans, Georges Haldas, Edgar Lee Masters, William Burroughs, Mario Rigoni Stern, Thierry Metz, Jack Kerouac, Nikos Kavvadias, Joachim du Bellay, Jean Genet, Clément Marot, Louise Labé, Stéphane Mallarmé, Stendhal, Valery Larbaud, Emily Dickinson, Maurice Fombeure, Giacomo Leopardi, Sylvia Plath, Francis Ponge, Paul-Jean Toulet, Robert Desnos, Marcel Proust, Antonin Artaud, Pierre Reverdy, Roberto Juarroz, Lautréamont, Malcolm de Chazal, Jean-Paul Dadelsen, Raymond Queneau, Attila József, Roberto Arlt, Bruno Schulz, Marie Noël, Georges Perec, Vladimir Maïakovski, Nathalie Sarraute, Pierre Lartigue, Martine Drai, Jules Renard, Charles-Albert Cingria, Ted Hughes, Léon-Paul Fargue, Hermann Melville?
Vous voyez qu’on a des idées, voire des propositions, Madame la Mairie. Trop? Abondance de poètes nuirait-elle? You would prefer not to…

Une balade vers un avenir commun
Force est de concéder que la perpétuité n’est nulle part acquise, pas même dans les cimetières. Petite visite, errante, et pourquoi pas méditative, au cimetière du Nord (l’humoriste n’y résisterait pas: Cimetière du Mort, ah! ah!). À terre, ceci:


Une lecture, hors scène
En v’là un, encore, d’écrivain théâtre sans théâtre. Conforté par des prix, médailles, récompenses, résidences, n’empêche… Jacques-François Piquet donnait tout récemment à la médiathèque Hermeland de Saint-Herblain-Haute-Bretagne, une lecture de sa pièce La Cité funambule. Soigneusement préparée, admirablement présentée, excellemment lue, brillamment commentée. Chapeau l’artiste – humble! Si éditée (par le si gentil et passionné Jean-Pierre Escarfaille) à l’enseigne du Bruit des autres, ce texte bien que dûment et souventement remarqué, n’a jamais été créé sur scène. On ne regrette pas, on enrage.

Une bicyclette et des jardins



Moins volontairement que contraint, le résident, plutôt dénué du sens de l’orientation, a fait une bonne trentaine de kilomètres sur le RoazhonMaiPoVélo huilé et regonflé à neuf. Centre ville pour commencer avec quelques livres brocantés et un verre de chénas place Sainte-Anne, puis jardins ouvriers des prairies Saint-Martin et canal d’Ille-et-Rance-et-Vilaine jusque très loin… puisqu’il croyait se rapprocher d’Armand (Rébillon) et qu’il s’en éloignait… Histoire de découvrir, ne figurant point sur le plan IGN de la ville, le square Séverine (Caroline Rémy, dite Séverine et également Arthur Vingtras, journaliste et poétesse libertaire, amie de Jules Vallès, née le 27 avril 1855 et décédée le 24 avril 1929): enfin une voie publique digne de la couleur (politique) de la ville de Rennes dont on attend qu’elle débaptise déjà et illico avec courage, comme Nantes (et bien d’autres) le fit, ses ignominieuses voies Thiers et Alexis-Carrel. Prochaine étape pèlerine, la rue de l’Abbé-Lemire, fondateur des jardins ouvriers si cher au poète ami Lucien Suel (auteur de La Justification de l’abbé Lemire) et à Ivar Ch’Vavar, animateur avec ses camarades de l’inoubliable revue poétique Le Jardin ouvrier. Pour l’anecdote, le vicomte et châtelain Gilles de Robien, maire droito-centriste bouté d’Amiens, avait débaptisé les jardins ouvriers en jardins familiaux (terme cher au travailleur et patriote Philippe Pétain), … quand bien même l’abbé, eh, quel abbé!, plaida avec conviction contre la peine de mort et contre cent injustices sociales… Y’a des gens bien, non? Pas tous? «MerdRe!» Se serait écrié un ancien élève de M. Hébert au lycée de Rennes.


Une devinette
«L’autre», il culminait à 1m55 (du haut de son mètre 64, un centimètre au-dessus de notre provisoire président, mais sans talons compensés, le résident en chaussons se hausse du col, et davantage…), on le dit «nabot», «oracle avorton», « gnome assoiffé de sang ouvrier », « fourbe », « fanfaron », « parjure », « traître », « fripouille politique », « fusilleur », « croque-mort de la nation », « boucher », « immoral », « Mirabeau-Mouche », « Sylla français », « étroniforme bourgeois », « vieux melon diplomatique », « croûtard abject », « triomphant imbécile », « doreur de pilule », « parricide », « Mirabeau-Mouche », « Monsieur Semaine sanglante », « bourgeois cruel et borné » (toutes citations avérées); il était, par surcroît, jugé présomptueux, opportuniste, conservateur (napoléonien, puis… républicain!), dispendieux, vénal, voleur (de fonds secrets et caisses noires), volage, ingrat, fat, cruel, vantard, tribun, avide de gloire et de fortune, etc. et plus de deux cents communes (couardes?) de France, parfois même « de gauche » (Angers, Rennes, etc.) dédient encore son nom à certaines de leurs voies publiques. C’est une devinette: c’est qui?

vendredi 11 novembre 2011

Contrat, gratitudes, voies…

Un avenant au contrat
«Le poète résident s’engagera à laisser une trace pérenne de sa présence, et de sa capacité à ne pas être qu’un intellectuel manchot, en plantant soigneusement quelques bulbes ou graines, de préférence vivaces, pour rappeler très concrètement et végétalement son passage, dès les floraisons suivantes, printanières, estivales, automnales, voire hivernales.» Deux suggestions toutes simples: Narcissum jonquilla et Allium moly.

Encore, «le poète résident se gardera de se cantonner dans quelque exclusif fonctionnement cérébral lorsqu’il s’avèrera nécessaire de réparer l’aspirateur ou de revisser bien verticalement la lampe à pied du centre de ressources» – pardon de la bibliothèque.

Une double gratitude
Rendons ici à Cléopâtre et à César ce qu’il leur revient. Si le résident a, le 17 novembre, souhaité se faire avantageusement accompagner de l’OuLiPien Frédéric Forte et de l’accordiniste & saxophoniste baryton Francis Jauvain, c’est grâce aux rencontres précédemment organisées (et non initiées, épouvantable anglicisme à bouter hors de France) par Françoise Lalot (Semaine de la poésie, à Clermont-Ferrand) et Jacky Essirard (Le Chant des mots, à Angers). Mercis.

Une rue, des rues, à Rennes
L’e d’Armand R/e/é/billon (1879-1974) doit-il être accentué, ou pas? Les plaques de cette rue répondent pas la négative («REBILLON»), mais il est vrai que la typographie n’oblige pas à accentuer les capitales; pourtant, à Rennes, sur les plaques des voies publiques, elles y figurent, et même hérétiquement, parfois, quand on lit, ô scandale, SÉGALEN (Victor) et… SEGALEN, ô ouf!… dans la même rue. Selon les autorités de la Bibliothèque nationale de France, confortées par le catalogue de la bibliothèque de Rennes Métropole, il conviendrait bien d’écrire Rébillon. Le plan IGN de la ville de Rennes n’est d’aucun secours: tous les noms des voies y sont composés en capitales non accentuées (rue de BELLE EPINE!). L’auteur des inoubliables Situation économique du clergé à la veille de la Révolution dans les districts de Rennes, de Fougères et de Vitré (1913) et de Les États de Bretagne de 1661 à 1789 (1931) n’est plus là pour nous éclairer; regardons alors la couverture de son Atlas historique, tome III - Les Temps modernes (1937): l’accent aigu s’y trouve bien imprimé et, l’auteur ayant vraisemblablement eu en main les épreuves de son livre, on en conclura presque à coup sûr que voui, cet accent lui est dû et que les plaques de sa rue sont fautives. Mais zut, trouvaille suivante, nul accent sur la couverture de ses Recherches sur les anciennes corporations ouvrières… (1902). De quoi, vraiment, s’egarer!




Un étrange syncrétisme (nous n’avons point dit saint crétinisme), si peu cohérent politiquement, fait cohabiter à Rennes(-la-Rouge?), Adolphe Thiers (rue courageusement débaptisée à Nantes par le maire socialiste Alain Chénard en 1978, soit un an après son élection), Louise Michel, Charles Beslay, Jules Vallès et Louis Rossel. Bourreau et victimes réunis parmi les gloires que célèbre le chef-lieu du département d’Ille-et-Vilaine et de la région Bretagne… Et puisque nous évoquons la Commune de Paris telle qu’historismée par la commune de Rennes, amusons-nous ou choquons-nous des revendications privatives accolées au communard Rossel, personnage on ne peut plus admirable des points de vue de l’humanisme, du désintéressement et de la générosité :


Autre bizarrerie, et c’est là un doux euphémisme (pensons au capitaine d’ascendance juive Alfred Dreyfus, lequel, fort légitimement ici, a sa rue), l’antisémite, eugéniste, pétainiste et naziphile Alexis Carrel (cher au peu cher Bruno Mégret) est carrément honoré par un boulevard alors que nous pensions naïvement que la municipalité rennaise défendait des convictions & valeurs de gauche, tandis que Lyon, Paris et tant d’autres villes l’ont fait disparaître de leurs voiries… Voulez-vous en remplacement, madame, la Mairie, des noms de poètes? Nous en avons 3544 au moins à vous proposer…
Autre étonnement, amusé celui-là, deux Jarry se disputent deux allées : l’abbé Alphonse, militant de la chouannerie, et l’écrivain Alfred, inventeur de la  'Pataphysique, discipline assez peu chouanne.

Photo © Bruno Polidoro

On pourrait longtemps continuer, au fil d’une déambulation piétonne critique, et peut-être y reviendrons-nous, qui sait? Juste une question, pour finir hic et nunc: Le square Albert-Schweitzer est-il fermé à minuit, docteur?





mardi 8 novembre 2011

Frédéric, Francis, Pierre, Franck, Aurélie, Guy, Agnès, Philippe, Erwan et les autres…

Une reredite
«C’est un journal dans n’importe quel ordre. C’est un journal pas forcément intime. C’est un journal sans temps véritable, qui n’enregistre pas, ou enregistre mal, ne prend pas date. Ce n’est pas un journal.» Voilà ce qu’écrit, dans ses formidabbbes (comme d’habbb’) Comment(s), Frédéric Forte, invité (avec l’accordiniste Francis Jauvain) de la lecture Carte blanche à la péniche-spectacle L’Arbre d’eau de Rennes-sur-Vilaine (jeudi 17 novembre, 19h30, 30 quai Saint-Cyr – 02 99 59 35 38 www.penichespectacle.com ). Ici, blog, pas journal, vraiment, mais un certain «temps véritable»: celui de l’anachronologie ou de la contre-chronologie: oui, principe obligé de ce truc internautique, le temps va à rebours, sinon de lui-même, tout au moins de l’écriture. Si, donc, l’on préfère prendre connaissance des événements dans l’ordre où ils ont été rédigés et mis en ligne, on doit alors lire en commençant par la fin, autrement dit en prenant l’ascenseur avec sa souris (ce qui me rappelle ce souvenir – vécu:)
«La dame à froufrous sent le pet et le Shalimar. Nul doute que ces effluves contraires livrant désespérément bataille émanent d’elle: nous sommes seuls depuis une minute trente dans l’ascenseur de cette tour de vingt-neuf étages, et je n’ai, présentement, rien à me reprocher.» – publié dans Inoubliables et sans nom, L’Amourier).

Un couple d’humoristes peut en cacher un autre
Qui peut prétendre qu’il n’y a plus de (bons) humoristes (et davantage que ça) depuis Coluche et Desproges? Certes, Coluche («L’intelligence, on croit toujours en avoir assez, vu que c’est avec ça qu’on juge» – à vérifier quant à la formulation exacte, merci à qui sait avec certitude et source et preuve à l’appui!) & Desproges («Prenant son courage à deux mains et sa Winchester dans l’autre»), voui-voui... Mais les bien vivants Fellag, ou Franck Lepage, hein? De ce dernier, un lien qui n’est pas sans rapport, me semble-t-il, avec les époustouflants Bristols que Frédéric Forte nous jouera sur la péniche.
http://www.youtube.com/watch?v=oNJo-E4MEk8 Mais faites vite, cette vidéo commence à être supprimée de la toile pour une sombre question d’«atteinte aux droits d’auteurs».

Un potage
Pour saluer (la duchesse) Aurélie Nemours (née à Paris et non en Seine-et-Marne), une soupe d’automne: le potage Nemours. Purée de pommes de terre mouillée au consommé, liée à la crème et au jaune d’œuf, et à laquelle on ajoute du tapioca. À préparer chez soi puis à déguster à la nuit tombante entre les colonnes de granite de son formidable Alignement du XXIe siècle. Quant à la recette du curry dédiée à Pierre Notte, on pourra, qu’on accepte ici cette correction de ma fille Hélène Licette Céline, avantageusement remplacer les 2 pots de yaourt bulgare par une jolie dose de lait de coco (filons à Bélasie, direction Saint-Grégoire).


Une paix armée
Tolstoï (Léon, voire Alexis Konstantinovitch) aurait-il apprécié, ri, pleuré ? La toute neuve (début novembre 2011, entre jour des Défunts et Armistice) photo ci-dessous n’est ni un montage, ni une mise en scène: instantané saisi sur la table basse de la chambre d’un garçon de neuf ans (et demi); curieux de tout et de son contraire, comme sont tous les enfants.


Un vol Valéry
Le résident sortit à cinq heures et prit la marquise, en photo, taraudé par la question de savoir si le topique du roman balzacien, plaisanté par Paul Valéry, a définitivement fait long feu (relire, donc, Le Manifeste du surréalisme, 1924).


Un trésor
Ah ce beau livre, trouvé au hasard sans hasard des rayonnages du Centre de ressources, pardon, de la bibliothèque de Beauséjour: Les Charpentières de Guy Bellay. Ami de René Char, Georges Mounin, Georges L. Godeau et autres Daniel Biga; Guy Bellay, nantais, est un poète aussi exceptionnel que discret – et économe. À Bécherel, pendant les vacances scolaires, j’ai déniché un numéro (12, juillet 1970, 1 franc, vendu d’occasion 2,50 euros en 2011, à vos calculatrices…) de Poésie 1 dans lequel l’auteur de Les Curieux ne me verront pas voisine avec le trop oublié Gabriel Cousin ou l’ami Pierre Tilman. Neuf poèmes de Guy Bellay, alors inédits y sont recueillis. Livre (du dé bleu, 2002) en main, nous pouvons vérifier que tous ces inédits ne le sont pas restés, merci Louis Dubost. Inutile donc d’en recopier ici; juste, alors, en partage, quelques phrases (ou bribes de) lues, entendues et recopiées, de cet instituteur – en retraite – («Parmi des enfants, je gagne ma vie…»):
«Ce n’est pas écrire qui est désespérant, c’est le vide entre deux émotions.»
«La solitude, comme une loupe, concentre un feu.»
«La petite planche du salut personnel.»
«Je n’écris pas sur des souffrances inventées.»
«Je ne rends des comptes à personne pour des B.A. littéraires.»
«[...] la poésie est une chose grave.»
«Je t’ai vu l’autre soir à la télévision et je t’ai plaint.»
«Pardonne-moi de parler de toi / devant tout le monde / et pour tout le monde.»
«Le métier tous les jours, c’est la pilule anticonceptionnelle quotidienne.»
«Ce qu’il y a de bien sous les arbres, c’est que, lorsqu’il pleut, on y est à l’abri, et lorsqu’il ne pleut plus, il pleut encore.»
«Le péjoratif est une tonalité du meurtre.»
«Être cousu avec des nerfs de chat ne justifie pas sa colère.»
«Je n’ai pas envie que l’humanité bêle avec moi. Si je bêle.»
«Quand on m’aura ôté les trente-deux dents, si le mal persiste, il faudra chercher ailleurs.»
Question super-banco, ou Guichet du savoir: Que sont des charpentières – mot ne figurant pas, ô honte, dans Le Petit Robert.

Un lien éthique
Recommandé par la formidablemagnifique marionnettistelectrice et pas-que Agnès Oudot (citons): «Qui a dit qu’on ne pouvait pas à la fois recevoir ses livres à la maison et en même temps contribuer à la (sur)vie des vraies librairies...? 1001libraires.com, la contre-offensive des libraires indépendants, est en ligne depuis mars 2011. Vous le saviez, vous? Moi non.
Alors, si vous êtes loin d’un bon libraire, ou que vous êtes parfois très paresseux, ou que vous ne trouvez plus vos clés pour sortir de chez vous, ou ou ou... cliquez là:
http://www.1001libraires.com/ Ce site est un réseau de libraires indépendants qui expédient les livres, eux aussi! Si vous connaissiez tant mieux, si vous ne connaissiez pas, your turn!
Des bises et des pages.

Un ajout
Pour acquérir des livres épuisés, ou dits d’occasion, un site non de requins internautiques, mais de vrais bouquinistes: http://www.livre-rare-book.com/

Une mauvaise nouvelle
Lu dimanche dernier (évidemment!) dans les chères Notules dominicales de culture domestique du cher Philippe Didion: «Vie notulienne. Le site des notules a vécu. Enfin, il existe toujours mais ne sera plus alimenté, les services extérieurs qui s’occupaient de la mise en ligne, Yves Lambert pour ne pas le nommer une première et dernière fois, m’ayant fait part cette semaine de leur désir de s’en éloigner pour s’occuper d’autre chose. Requête on ne peut plus justifiée au bout de dix ans de bons et loyaux services, on imagine en plus, même s’ils sont pudiquement tus, la lassitude et l’ennui. C’était un site voulu, créé, géré et entretenu par une personne de bonne volonté, je n’ai ni la légitimité ni la compétence pour le continuer. Il va désormais s’enfoncer paisiblement dans les fosses à bitume d’Internet, c’est son lot. Il aura été un important vecteur de l’extension du domaine notulien, et la notulie rassemblée, unanime, tire son chapeau au travailleur de l’ombre pour l’ensemble de son œuvre. Exeat. Maintenant, les notules n’existeront plus que par la cérémonie artisanale du dimanche midi: c’était leur statut au départ, peut-être davantage adapté à leur réelle envergure. Les notuliens se gagneront par le bouche à oreille ou, plus sûrement, s’éloigneront petit à petit. Retenons nos larmes, c’est tout de même beaucoup moins important que le SAS - Niort de dimanche à la Colombière. Je ressens d’ailleurs, à l’annonce de ce changement, un immense soulagement. Ce doit être le côté, christique, messianique, rédempteur ou je ne sais quoi que je trimballe à mon insu: quand j’enlève un poids à quelqu’un, c’est moi qui me sens plus léger. Après réflexion, c’est plus vraisemblablement mon côté bon couillon.» Avant qu’il ne disparaisse, vous pouvez encore sans doute foncer vous inscrire sur son site pour continuer à recevoir ses courriels niouselettrés du Jour du Seigneur. http://pdidion.free.fr/

Une bonne nouvelle
Dimanche, Centre Baptiste-Marcet, à Bouguenais, Loire-Atlantique. Mes jeunes enfants, la veille, ont (enthousiastes et enthousiasmés) fait un stage musical avec Erwan Lhermenier, jeune musicien breton éclatant de bonne humeur, de joie de vivre, de talent, d’espièglerie et d’invention. Avec Daniel Berthelot, il donne donc un concert dominical dans la programmation du Nouveau Pavillon, scène de musiques traditionnelles soutenue par la Ville de Bouguenais. «Musique verte» disent ces compères; car ils jouent, en plus de clarinette basse et marimba, de la feuille de lierre, du jonc des marais, du sureau, de l’écorce ou du trognon de chou. Avec créations vidéo de Guénolé Diguet à l’appui, traitements sonores assistés par ordinateur et environnement plastique moins plastoche que landartistique. Magique, tant pour les petits que pour les grands. Souriant, drôle, roboratif... et bougrement virtuose ès bricolages réjouissants pour les cinq sens (oui, même l’odorat, ça sent le sous-bois, le pré, le marais...) On imagine fort bien associer ces musiques de la nature à des textes, des poètes lisant dans cette belle compagnie. Et comme notre Erwan semble prêt à tout, on ira peut-être le lui proposer... Le spectacle s’intitule Sources, par ((( l’ ECHO SystM ))) :

vendredi 4 novembre 2011

suite huit

Une nouvelle heure
Dès 7 heures (d’hiver giscardien, depuis le dernier ouiquinde), presque inquiétantes, des ombres horizontales s’agitent sur la porte de la chambre du résident: les branches du cèdre bleu, petit ballet de balais valsant au rythme des sautes de vent, saluent les premières lueurs du jour, gris sur gris dans la pénombre. Non-photographiable. Non-filmable. Cadeau de l’aube réservé à qui a gagné le privilège de s’étendre dans ce lit.

Un stock
Sur la table de chevet, de séjour, sur le bureau, dans la voiture, dans le cartable, dans le cabas Hyper U, dans la sacoche de la bicyclette, sous le bras du résident, des livres (les yeux plus gros que la tête?); dans le désordre:
Œuvres complètes de Tomas Tranströmer
Le Secret du domaine de Pascal Quignard
Nous sommes tous des nomades de Gérard Navas
Le Gardien du feu d’Anatole Le Braz
Le Général Boulanger de Maurice Duplay
Déraciner les impatiences de Gwénola Morizur
Le Contre-dit d’Henri Droguet
À l’ombre des jeunes filles en fleurs de Marcel Proust
Rouge avril et Portraits sauvages d’Hélène Lanscotte
Le Jeu de la mort et Jean Diable de Paul Féval
Guide de Rennes
Le Pli de l’air d’Erwann Rougé
Gertrude est Gertrude est Gertrude est Gertrude de Jonah Winter
Précieux et libertins, choix par Michel Nuridsany
Pour affoler le monstre de Christian Doumet
Le Cahier grec d’Arnaldo Calveyra
Les Jours où Else de Lou Raoul
L’Homme blanc de Philippe Dossal
Une escorte très nue de Michel Dugué
Expédition autour de ma cave de Jean-Claude Pirotte
Bouquet d’injures et d’horions, recueillis par Jean-Pierre Arthur Bernard et Olivier Gadet
Électre de Sophocle, traduction de Jacques Lacarrière
Les Choses de Georges Perec
Poèmes du voyage de Marc Le Gros
Sous le néflier de Jacques Serena
Près du pilier et La Mort de Gregory Corso de Jacques Josse
Opéras-minute et Toujours perdue la neuve entrée de Frédéric Forte
Comédie du suicide de Jean-Claude Leroy
Les Rouilles encagées de Benjamin Péret
Élodie Cordou, la disparition de Pierre Autin-Grenier
Manque de Sarah Kane
… et tous les livres disponibles au Centre de ressources, pardon, à la bibliothèque de la Maison.
Certains déjà lus (peut-être mal, trop vite, trop distraitement ou voilà si longtemps), mais à relire… J’en ai sans doute oubliés (inexhaustivité de toute liste…), quelques autres déjà cités sur ce blog, plusieurs manuscrits d’amis (que je ne révèle pas, par réserve ou prudence), bien sûr sans compter les dictionnaires et autres usuels.

Une Toussaint en vacances
Fille, nièce, fils et neveu, quatre enfants sont allés jouer, tout contre le Fonds Régional d’Art Contemporain de Rennes, en fin de construction, dans l’Alignement du XXIe siècle, ce prodigieux ensemble de soixante-douze colonnes de granite gris clair, hautes de 4,50 mètres et placées à intervalles réguliers, œuvre post-mortem d’Aurélie Nemours, disparue à l’âge de 94 ans, début 2005, année même de cette édification impeccablement réalisée. Las, la plaque explicative de ce Nemoursland valant tous les Disney, est truffée de fautes et d’incohérences typographiques (la Ville de Rennes, qui a investi là 1,6 million d’euros – soit 89 fois moins qu’un avion Rafale ou 3 125 fois moins qu’une centrale nucléaire de type EPR – Flamanville –, ne pouvait-elle se payer les services d’un correcteur? – eh, il existe d’excellents écrivains exerçant ce beau métier, ainsi Christian Oster – dernier livre paru: Rouler, aux Éditions de l’Olivier, en lice pour le 1er Prix des lecteurs Rue des livres, Festival de littérature généraliste de Rennes, résultat le 31 janvier 2012, votez!) Le résident avait découvert la peinture d’Aurélie Nemours à la galerie Convergence de Nantes, chez les délicieux Jeannette et Jean Branchet qui exposaient également feu Alain Le Bras, grand et inoubliable ami originaire de Plufur et dont quelques très proches vivent aujourd’hui à Rennes: heureuses retrouvailles ces derniers jours, beaux souvenirs. Alain Le Bras qui me fit connaître et apprécier Eugène Savitzkaya voici quelque chose comme trente ans, et nos échanges, même si clairsemés, ne se sont jamais taris depuis.

Nemoursland. Photo © Céline Bretonnière.

Après Rennes, ces vacances nous ont conduits à Saint-Juvat, chez Pierryle Dorvault et André Schetritt (auteur d’Eux autres, moi-je et le monde aux Éditions Donner à voir, livre épuisé), éditeurs, à l’enseigne de Rouge Papille, de savoureux chocolats littéraires (pensez-y, les fêtes arrivent…) Complicités, partages, amitié. Et visite obligatoire chez l’exceptionnel céramiste voisin Armel Hédé. Liens:



Céramique d’Armel Hédé. Photo © Catherine Dressaire.

Un autre lien, et d’autres
Déjà signalés ici les liens Internet des Notules dominicales de culture domestique de Philippe Didion
et du blog de Paul Emond
Ajoutons-en, tels qu’ils nous viennent en tête, cinq autres (à suivre, qui sait?)
1. Très connu des bibliothécaires, très méconnu du reste du monde, Le Guichet du savoir constitue un outil unique et salutaire pour toute recherche, que vous vouliez savoir avec quelle peinture changer la couleur du carrelage mural de votre cuisine ou à quelle date exacte a été débaptisée la rue Thiers à Nantes (eh non, pas à Rennes...) Ce service en ligne a été mis en place par la bibliothèque municipale de Lyon et, en s’inscrivant gratuitement avec un pseudonyme (ce qui prend moins de cinq minutes), chacun peut poser toute question qui le turlupine; ce guichet vous répondra dans les 72 heures. Miraculeux, voui! Vous pouvez tester avec: «Quel poète, auteur de Dans l’espace étroit du monde, résidera à la Villa Beauséjour de Rennes dans un an?» Blague de blog à part, on aura la correction d’éviter toute question dont la réponse se trouverait dans le premier dictionnaire venu.

2. Moraliste autant que fantaisiste, jamais en panne d’inventions délirantes, ou de sagaces observations, Éric Chevillard concocte avec opiniâtreté depuis 2007 l’un des blogs les plus brillants et réjouissants qui soient. L’Autofictif est de ces (très rares) blogs dont on peut, après coup, faire des livres, l’écran redevenant papier!

3. Lou Raoul, poète et plasticienne et bretonne familière de cette langue (la bretonne) a joliment intitulé son blog Friches et appentis. Textes serrés, concis, simples notations et paroles d’humains qui en disent long, photos: ouvrez l’album, le discret carnet.

4. Ils sont impayables, Martine Rousseau et Olivier Houdart, correcteurs au quotidien Le Monde. Leur blog Langue sauce piquante tout également. Une visite quotidienne s’impose, instructive et hilarante à la fois. Comme quoi les tatillons en orthographe et typographique ne sont pas (tous) des chevaliers à la triste figure. Ceux-là mettent le doigt où ça fait mal, où nous disons mal, où nous écrivons mal, par exemple en fesse-bouquien. Chatouilles plutôt que coups: ça pique à peine, mais on n’oublie pas leurs corrections.

5. Écrivain voyageur, curieux de beaucoup sinon de tout-toutes-et-tous, Jean-Claude Leroy nous fait partager admirations, indignations et autres sentiments ou découvertes avec clarté, simplicité, discrétion. De Jordi Pere Cerdà à la révolution égyptienne, d’Albert Cossery à la dégringolade d’une certaine radio culturelle, de Mohamed al-Maghout à La Rue mauve d’Annkrist… (à suivre)

Une fable
Un auteur se plaignit, des années durant, de n’avoir pas assez de temps pour écrire. Quand il fut accueilli en Beauséjour pour une «halte» (reprenant ici le joli mot de Nicasio Perera San Martín, alors président de la Maison des Ecrivains Etrangers et des Traducteurs de Saint-Nazaire) en résidence d’écriture, que croyez-vous qu’il arriva? Il posa ses notes et carnets sur le bureau de l’appartement pour – procrastination coupable de son contrat – occuper tout son temps à bricoler, remettant en état une bicyclette, dérouillant au Frameto Rubson® l’égouttoir à vaisselle, changeant les ampoules du plafonnier de la cuisine, du séjour de l’appartement où il ne séjournait guère, du Centre de ressources, pardon, de la bibliothèque, huilant les serrures du portillon du jardin et de la boîte aux lettres, réglant à la hausse la durée d’éclairage de l’applique électrique extérieure, etc.

Un premier pêcheur
Un mois passé sans avoir vu le moindre pêcher tremper son fil dans l’eau du canal, au niveau de la Villa Beauséjour. Interrogations conséquentes du résident… Mais il est venu jeudi, en compagnie de son chien. Quelques minutes après s’être installé, il avait déjà sorti des eaux troubles une douzaine de gardons. «C’est poissonneux ici, surtout par ce temps, à cette époque...» Le résident, projetant avant son arrivée qu’il aurait tellement de temps lors de ces deux mois de séjour, avait pensé apporter canne, bouchons, hameçons et autres accessoires nécessaires à cette forme de récréation méditative, inspirante, et prometteuse d’exquises fritures. Las, les heures filent plus vite encore que le courant quand s’ouvre l’écluse, ou que ce jogger sifflant son chien fatigué: «Allez, cours, Bouboule, t’es casse-couilles…»



Photo non contractuelle, D.R.

Une question, une réponse
Que lira Frédéric Forte sur la péniche-spectacle le 17 novembre (19 h 30)? Pour l’occasion, ayant décidé d’un commun accord avec le résident d’écrire plusieurs textes spécialement destinés à cette soirée, il donnera notamment la primeur de 99 notes préparatoires à la liste, jouera de ses époustouflants Bristols (dont le principe aléatoire offre chaque fois une réussite différente), proposera un choix de ses Comment(s) tandis qu’il saura encore sortir de son cha(ouli)po «plein d’autres choses possibles en réserve… si le besoin s’en fait sentir.» En bon OuLiPien, Frédéric aime lire alternativement avec d’autres, phrase après phrase, par exemple; de sorte que ce jeu tentant sera tenté. Et l’accordina magique – quel instrument à découvrir pour ceux qui pas encore – du magicien Francis Jauvain rythmera, séquencera ces morceaux.

Francis Jauvain à l’accordina. Photo D.R.

Un livre reçu, et même deux
De Lucien Suel, avec dédicaces s’il vous plaît: N’est-ce pas et Le Bréviaire, une lecture de La Retraite de l’aumônier, 1886, de Jules-Alexis Muenier, musée municipal, Cambrai. Merci l’ami (amitié ouverte grâce au Triangle, à Rennes, merci Yann!)


mardi 25 octobre 2011

Fuite et suite(s)

Un errant
Vendredi soir, embouteillage sur la rocade rennaise. Le panneau lumineux d’un camion des Ponts et Chaussées prévient: «attention animal errant». Isidore, c’est toi? Dis, quand reviendras-tu – nous rassurer – en Beauséjour?

Photo © Gwénola Morizur, sur une idée autoritaire de Jacques Josse.

Une distraction
Écrire ce blog distrait, autrement dit offre la tentation d’une forme de fuite; distrait, donc, d’un chantier moins facile, celui que le résident s’était assigné avant son arrivée et qui, joyeusement, se proposait (se propose encore) d’interroger le phénomène de la mélancolie, du tædium vitæ, etc. (les synonymes et analogies ne manquent pas). Comme l’a joliment dit jeudi soir Hélène Lanscotte: «On veut, et puis après…» S’obliger, plutôt que s’obloger, non?

Une lecture inoubliable
Jeudi, Hélène Lanscotte en Beauséjour. Belle, très belle présentation, toute de justesse, de finesse, d’attention et de simplicité par Remy Jacquemin. Suit la lecture, par l’auteure, de ses textes, d’une qualité haute voix réellement exceptionnelle, gagnée par son expérience de comédienne-souffleuse, avec commentaires impeccables de justesse et d’à-propos. Attention parfaite du public qui ne manque pas un mot, ces mots, ces phrases si tendus, tenus, maîtrisés. Rien d’approximatif, tout est si-tellement écrit. Et puis, à suivre, cette intelligence d’échanges, ces convictions, cette générosité (que portent, singulièrement, ses rossignols souffleurs). De quelques phrases citées par Hélène Lanscotte, celles-ci: «Dans un monde sans mélancolie, les rossignols se mettraient à roter.» (Emil Cioran, dans Syllogismes de l’amertume); «La parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles.» (Gustave Flaubert, mais je ne sais plus dans quel ouvrage, pardon!) Petite frustration toutefois: ses auditeurs en auraient volontiers redemandé, oui, la plupart a trouvé cette lecture un peu brève, mais l’on peut deviner qu’Hélène Lanscotte, saisie par ce qu’elle appelle «la conscience vacillante des timides» l’a, d’elle-même, quelque peu écourtée.

Une habitude et une crainte beauséjourniennes
Impossible, pour ma pomme, de mettre des épluchures (je me répète un tantinet) dans une poubelle. Avec la permission de Lionel Moal, écrivain-jardinier comme Joël Bastard, Jean-Pascal Dubost, Louis Dubost, Eugène Savitzkaya, Lucien Suel et consorts, je dépose désormais celles-là sur le tas d’herbe coupée du jardin. Mais je n’y vais qu’avec une certaine crainte: Hélène Lanscotte n’écrit-elle pas dans Simplement descendu d’un étage (et c’est bien le cas, pour le résident d’ici qui vient de sa kitchenette): «Bientôt, je la vis en songe enfouie dans le compost»?



Une jérémiade
Le résident, certains jours, ne sait plus où il habite. Il a divisé ses affaires entre son domicile habituel (sinon fixe) et la villa qui l’accueille. S’il est ici, il a évidemment besoin, à un moment donné, de ce qui est là(-bas), s’est est là(-bas), ce qu’il convoite n’y est point: notes, brouillons, dictionnaire, tee-shirt MerdRe (Ubu, médiathèque de Laval, merci encore Olivier), agrafeuse, œuvres de Pascal Quignard, rasoir, etc. Sinécure? Pas une! Vilain geignard...

Une (autre) citation
Inutile de tenter de dire tout le bien (déjà un misérable euphémisme) que je pense du livre (pas d’épithètes ici, ce ne pourrait être qu’à-peu près, trop, pas assez, mal dit… pauvres mots) de Ludovic Degroote Le Début des pieds. Juste, alors, une citation, qui dit tant, et si simplement, et si justement:
«58 % des français se plaignent de la poésie contemporaine, leurs attentes ne sont pas satisfaites, ils pensaient que ce serait autre chose, ils ont déjà tant de mal, c’est inutile d’en rajouter, ils croient qu’on le fait exprès».

Une question
Quel est le prénom de cette berline sportive italienne construite entre 1962 et 1977 à Arese, l’une des plus rapides et plus sûres de l’époque, au style considéré comme «très simple»?


Photo © UMP (Union de la  Muette Parturition)

vendredi 21 octobre 2011

Chère, cher, chères et chers (ou moins)

Un éclat de rire (jaune)
Dans cette Rennes (où est une rue Tristan-Corbière, cher au cher Président Jacques), le groupe scolaire (de la chère) Louise-Michel se trouve situé rue (du beaucoup moins cher Adolphe) Thiers !


Un crédit
Reçu (et accepté) trois jolis chèques de la BreizhMaiPo, comme quoi les poètes (purs esprits, tu parles !) peuvent, très prosaïquement gagner leur vie, un peu, parfois. De quoi rassurer ma chère banque, le Débit Agricole : j’y cours (… de la bourse un blog peut-il excuser les jeux de mots calamiteux ?) Au menu de ce soir, conséquemment : caviar Beluga (cher… à William Burroughs), homard armoricain, tournedos Rossini (dûment assortis de truffes et foie gras), morilles, etc.

Un appel à témoins – ou coupables
J’ai dans mes principes les plus chers (mais sans doute insuffisants) celui de rendre à Cléopâtre ou à César ce qui leur appartient. Aussi est-ce que j’élargis ici, on the blog, un appel déjà plusieurs fois lancé, mais moins mondialisément (ah, Internet, toile universelle sur laquelle chaque humain vivant me lit !) Dans la salle-à-manger-centre-de-ressources-salon-de-lectures de la chère Villa Beauséjour (je confirme), quelqu’une ou quelqu’un m’a traité. C’était le 4 mars 2009, à l’occasion du Festival Les Polyphonies où nous nous étions retrouvés pour une lecture croisée avec la chère Patricia Nolan. Traité, donc, de « Mister Lister » (ou « Listeur »), et cet hétéronyme m’est resté. Mais comment l’employer chrétiennement sans en citer l’auteur(e) ? Nous dînions, devisions, plaisantions, refaisions le monde, c’était bon – mais pourquoi s’en étonnerait-on ? Comme dans le cochon, dans la Maison (de la Poésie de Rennes), tout est bon !

Une première question
Connaissez-vous les Notules dominicales de culture domestique de Philippe Didion, émérite perecquien et fameux curieux ès mille choses, des coiffeurs jusqu’aux poilus ? Vous pouvez aller y voir et, si convaincus, vous y abonner pour adoucir le blues de vos dimanches, si généralement haïs : http://pdidion.free.fr/
Une deuxième et double question
Dites-moi, chers résidents et visiteurs, c’est quoi la poésie ? Et comment qu’ça s’reconnaît ?

Une troisième question
Petite conversation, dans le centre de ressources, en Beauséjour, avec une classe de seconde littéraire emmenée par Christian Poirier. Mesurent-elles, ces chères têtes blondes et moins blondes, la chance qui leur est offerte d’avoir pareil (si « qualiteux » pour dire comme Victor Haïm) prof ?

Un nouveau paquet cadeau tombé dans ma boîte aux livres
Dans les pas de l’autre, de Jacques-François Piquet, natif de Nantes exilé en Beauce. Mais, cher camarade, je pouvais me l’acheter, me l’offrir, l’acquérir... Quand même, oui, merci ! Et à bientôt, mardi 8 novembre à Saint-Herblain.

Deux tortionnaires, au moins
La pathologie du cher Pierre Notte semble contagieuse. Françoise, à chacune de ses visites en Beauséjour, pour citer Denis Heudré (lequel, comme moi, aime visiter les cimetières, je file d’ailleurs très bientôt au Nord, le long de la rue de… Plaisance – du repos éternel, chez les résidents Ciel – eh ben oui, un autre jeu de mots calamiteux souhaitant être excusé par ce cher blog…), apporte, la chère, fleurs, pâtes de coing et autres joyeusetés de bonne chère. Présents, cadeaux. Chers tortionnaires de nos sentiments de culpabilité : on apporte quoi, nous ? On rend comment (pour dire comme les parpaillots genevois) ?


Un plus un livre tout dernièrement achetés (chers, dans deux librairies indépendantes, on a une éthique ou pas !)
Débris d’endroits de Vannina Maestri (dont la lecture me fit belle et forte impression à MidiMinuitPoésie) et Embrasez-moi d’Éric Holder (dont je crois n’avoir raté aucun volume, pas même Bruits de cœur, encore un cher trésor de ma bibliothèque dont je ne me déferai jamais).

Une attente au jardin
Pas revu Isidore, comte de Lautréamont du Casse-Noisettes de Piotr Ilitch. Cher au cher Jules… Renard, notre si réjouissant (joli, gentil, docile, innocent épithétait Buffon) petit quadrupède (prononcer é-ku-reull, ll mouillées et non é-ku-reuye) répond encore aux noms, outre ceux précédemment cités, et selon Le Littré – Le Dictionnaire de référence de la langue française – édition 2007 en vingt volumes, de cynomys social, squirio lus, spirou, skiron, scojattolo, esperiolus, escurial, escureu, escurol, esquilo, écuran, écurieux, escurieu (rieur curieux)... Répond ? Non, car on a beau l’appeler de tous les noms, il ne vient pas…

Une réponse à Jean-Christophe Belleveaux
Oui, oui, oui, je revendique les mots gentil, gentillesse et gentiment, même si l’usage a pu en dévaluer le sens : résistance à toute inflation, siouplaît ! C’est du cher écrivain (poète ?) Michel Deutsch (je confirme ici quant à cette « qualité » dont il fait preuve) que le philosophe (poète ?) Philippe Lacoue-Labarthe parlait : « Je regrette, mais la gentillesse est une qualité. C’est l’intelligence même ! » (Long Distance Call, postface à El Sisisi de Michel Deutsch, Christian Bourgois Éditeur, 1986). Chère citation que je ne cesse de répéter depuis que je l’ai lue. Regrettons donc, avec feu lui, et réhabilitons. Mister Liste(u)r pourrait dresser une énumération de gentils humains, mais qui se révélerait bien vite trop longue. Celle des méchants serait-elle plus courte, oups ?

Deux chaussons
Le résident est, en Beauséjour, chez lui, et s’y sent comme tel. Petit luxe, confort plutôt : tant que je ne sors pas, et même si je descends dans la bibliothèque (pardon, mais je préfère cette appellation à celle de centre de ressources), je garde aux pieds ma paire Homer Simpson, héros favori de mes deux derniers enfants, Pauline, Léonie, Colombe et Constant, Victor, Hugo (né bicentenairement en 2002, « ce siècle avait deux ans ») – que je m’en vais retrouver dès demain, youpi ! Dis-moi Jean-Christophe, t’as quoi comme chaussons ? Ne les oublie pas !